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Collection « Les auteur(e)s classiques »
Une édition électronique réalisée à partir du texte de Wang Che-Fou, Si-Siang-Ki, ou l'Histoire du Pavillon d'Occident. Comédie en 16 actes. Traduit du Chinois par Stanislas Julien. Première édition: Atsume Gusa, 1872. Genève: H. Georg.-Th. Mueller. Reproduction en facsimilé par Elibron Classics, 2006, 334 pp. Une édition réalisée par Pierre Palpant, bénévole, Paris. EXTRAIT. ACTE QUINZIÈME [Mme Tching impose à Tchang-seng de terminer ses études avant de revenir s’unir à sa fille Ing-ing.]
Mme TCHING parle à Tchang-seng : Je n’ai pas d’autre recommandation à vous faire. Je souhaite que vous songiez à acquérir du mérite et de la réputation, et que vous reveniez bien vite. TCHANG-SENG J’obéirai avec respect aux ordres imposants de Madame. (Tchang-seng et Ing-ing se saluent) ING-ING parle à Tchang-seng : Après ce voyage, si vous avez obtenu ou non une magistrature, hâtez-vous de revenir tout de même. TCHANG-SENG Soyez tranquille, Mademoiselle. Si un Tchoang-youen ne devient pas votre époux, qui est-ce qui le sera ? Maintenant, Mademoiselle, je vous fais ici mes adieux. ING-ING Restez un peu. Au moment où vous partez, je n’ai point de présent à vous faire. Je vous offre seulement quatre vers que je viens de composer. Que dirai-je de l’état où vous me laissez ? Notre amour passé a-t-il été léger et frivole ? Rappelez-vous vos sentiments anciens, et ayez pitié de celle qui est devant vous. TCHANG-SENG Mademoiselle, vous vous trompez. Qui pourrais-je prendre en pitié ? En voyant vos vers, je vous dirai d’abord que mon cœur est fortement troublé ; ensuite, qu’au fond, Mademoiselle n’a pas foi en moi. Au premier jour, je reviendrai avec le titre de Tchoang-youen, et c’est alors que je pourrai m’unir respectueusement avec Mademoiselle. ING-ING chante : J’ai essuyé avec ma manche rouge les abondantes larmes de l’amour. Je sais que votre robe bleue est encore plus mouillée de vos pleurs. Le loriot s’en va à l’orient, et l’hirondelle s’envole à l’occident. Avant votre départ, je voudrais savoir l’époque de votre retour. L’homme que je vois devant mes yeux va faire un voyage de mille li. Vous m’avez présenté une tasse de vin, Mais avant que j’aie bu mon âme est déjà enivrée. Mes yeux versent des larmes de sang, mon cœur est dévoré d’inquiétude. (L’air change) Quand vous serez arrivé à la capitale, puissiez-vous vous accoutumer au climat. Pendant la route, buvez et mangez modérément. Suivant les saisons, soignez bien votre précieux corps. Dans les hameaux rustiques, en temps de pluie ou de rosée, vous devrez vous coucher de bonne heure. Dans les auberges de campagne, s’il y a du vent ou de la gelée, il faudra vous lever tard. Lorsque vous voyagerez à cheval, par un vent d’automne, Comme vous n’aurez personne pour vous dorloter et vous protéger, Prenez vous-même soin de votre santé. (L’air change) A qui raconterai-je mes soucis et mes peines ? Il n’y a que moi qui sache jusqu’où va mon amour. Est-ce que le ciel s’inquiète des tourments des hommes ? Mes larmes feraient déborder le Fleuve jaune ; Le poids de ma douleur écraserait les trois sommets du mont Hoa-chan. Quand le soir sera venu, du haut du Pavillon d’Occident, Je regarderai dans le lointain l’ancienne route de l’ouest et la digue avec ses saules jaunissants, (L’air change) Tout à l’heure, nous étions ensemble dans le même lieu ; Et, maintenant, je m’en retourne toute seule. Quand je serai revenue dans ma chambre, Je craindrai de regarder les rideaux de mon lit. La nuit dernière, un printemps délicieux réchauffait ma couverture brodée. Aujourd’hui, dans mes draps soyeux, je tremblerai de froid et je ne le verrai qu’en songe. Je n’ai pas, hélas ! le talent de retenir le printemps que j’adore. Pendant que votre courrier vous entraîne d’un pas rapide, Nos yeux sont baignés de larmes et nos sourcils sont contractés par la tristesse. (L’air change) Je ne m’inquiète pas de savoir si vous réussissez ou non dans les concours littéraires. Je m’afflige seulement dans la crainte qu’après avoir quitté votre épouse, vous ne preniez une seconde épouse. D’ici, mes messagers vous porteront continuellement des lettres. Ne jurez point de ne pas revenir si votre nom n’est pas inscrit sur la liste d’or. Souvenez-vous bien de ceci : Si vous rencontrez, dans un autre pays, une jolie fleur ou une belle plante, Gardez-vous de vous y arrêter comme ici. TCHANG-SENG Vos paroles, Mademoiselle, me sont précieuses comme l’or et le jade ; je les graverai une à une dans mon cœur. Nous nous reverrons bientôt ; ne vous livrez pas à un excès de douleur. (Il parle et part) Je baisse exprès la tête pour cacher mes larmes ; je concentre mon chagrin et je tâche d’épanouir mes sourcils. ING-ING A mon insu, mon âme s’est brisée. Pourrais-je du moins vous accompagner en songe ? (Tchang-seng sort) ING-ING pousse des soupirs et chante : La verte montagne m’a séparée du voyageur qui s’éloigne. Les bois éclaircis n’ont plus de charmes pour moi. Les pâles brouillards, les vapeurs du soir nous dérobent l’un à l’autre, Au coucher du soleil, sur l’ancienne route, il n’y a plus personne à qui je puisse parler. Dans les champs déserts, le hennissement du cheval se mêle au bruit du vent d’automne, Je me sens paresseuse pour monter sur mon char, Avec quelle rapidité ne suis-je pas venue ! Combien je suis lente au moment de partir ! Mme TCHING Hong-niang, aide ma fille à monter sur son char. Le ciel est déjà couvert des ombres du soir ; retournons-nous au plus vite. Quoique, après bien des détours, j’aie cédé aux vœux de ma fille chérie, j’ai tenu la conduite d’une mère intègre et sévère.
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