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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Jean Rony GUSTAVE, “L’université en Haïti face à sa mission de service à la communauté.” Un article publié dans la revue Temporalités et sociétés, vol. 1, no 1-2, 2022, pp. 14-164. Charesso. [Autorisation formelle accordée par l’auteur le 12 octobre 2023 de diffuser ce texte, en accès libre dans Les Classiques des sciences sociales.]

[145]

Jean Rony GUSTAVE [1]

PhD, Enseignant-chercheur à l'Université d'Etat d'Haïti (UEH)
Enseignant-chercheur à l'Université Publique de l'Artibonite aux Gonaïves (UPAG)
Coordonnateur du Programme de Maîtrise en Histoire, Mémoire et Patrimoine
de l'Université d'État d'Haïti (UEH)
Coordonnateur général du Centre d'Etudes sur le Patrimoine et le Tourisme en Haïti (CEPAT-H)
Membre associé au Centre d'Etudes sur les Lettres, les Arts et les Traditions (CELAT)
Membre associé au Laboratoire Langage Discours Représentation (LADIREP)

L’université en Haïti
face à sa mission de service à la communauté
.”

In Revue Temporalités et sociétés, vol. 1, no 1-2, 2022, pp. 145-164.  Charesso.

Résumé / Abstract [145]

Introduction [146]

Université et société : un coup d’œil à travers le monde [147]

Université et société en Haïti : le cas de l’Université d’État d’Haïti (UEH) [149]

Les Universités Publiques en Région (UPR) et la mission de service à la communauté : un dialogue de sourds ? [156]

Conclusion : Pour une université socialement responsable en Haïti [160]

Bibliographie [162]


RÉSUMÉ

Partout à travers le monde, des initiatives sont entreprises, des recherches sont effectuées de plus en plus afin d’établir un lien étroit entre université et responsabilité sociale. En effet, il est généralement admis que l’une des missions les plus nobles de l’Université est de rendre service à la communauté, notamment les couches les plus défavorisées de cette communauté. Par ailleurs, en Haïti, très peu d’études consacrent une importance capitale à cette question. Dans cet article, à l’aide de la recherche documentaire et de nos expériences de terrain, nous nous donnons comme objectif de questionner le rapport entre université et responsabilité sociale en Haïti, en nous nous focalisant spécifiquement sur le cas de l’Université d’État (UEH) et sur le réseau des Universités publiques régionales (UPR).

MOTS-CLÉS - Université, responsabilité sociale, communauté, pauvreté, mouvement social

ABSTRACT

All over the world, initiatives are being undertaken and research is increasingly being conducted to establish a close link between the university and social responsibility. Indeed, it is generally accepted that one of the most noble missions of the University is to serve the community, especially the most underprivileged segments of that community. However, in Haiti, very few studies are devoted to this issue. In this article, using documentary research and our field experiences, we set out to question the relationship between university and social responsibility in Haiti, focusing specifically on the case of the Université d'État (UEH) and the network of regional public universities (UPR).

KEYWORDS. University, social responsibility, community, poverty, social movement

[146]

Introduction

L'importance croissante de la responsabilité sociale dans le travail des universités se manifeste de plusieurs manières. Dans toutes les régions du monde, les universités investissent davantage dans des centres et des unités qui renforcent leur engagement communautaire et leur responsabilité sociale. Aux États-Unis, par exemple, l'université Cornell a mis en place une initiative « Engaged Cornell », dotée de 50 millions de dollars, destinée à renforcer les liens entre la recherche et l'enseignement de l'université et les besoins de la communauté. De même, l'université Duke a reçu 20 millions d'USD de la fondation Bill et Melinda Gates pour développer une initiative similaire ; l'initiative « Duke Engage » se concentre sur l'engagement des étudiants d'importance mondiale. Des centres et des initiatives similaires axés sur l'engagement sont en cours de création dans les universités des États-Unis et du monde entier [2]. (Furco 2016, 85-86)

« Répondre aux besoins des habitants d’un territoire local ou régional en matière de vie sociale et de culture, telle est désormais une des missions d’une université socialement responsable. » (Annoot 2012) L’université du passé a toujours eu une fonction sociale. L’université chrétienne en Occident formait des clercs pour l’Église et pour le service des Princes. Son rôle social était évident, même s’il était restreint à des élites très réduites. L’Université libérale, qui s’est développée par la suite, avait pour fonction de former les enseignants et les cadres à la vie de la nation. Le nombre de diplômés était plus considérable et ceux-ci jouaient un rôle appréciable dans la direction des affaires publiques ou privées. L’université socialiste, qui s’est développée avec l’établissement des républiques soviétiques, a fourni un effort de principe pour rejoindre une fraction plus large de la jeunesse. En tant que base économique de la société soviétique, la création d’une industrie socialiste est inaccessible sans la formation de techniciens hautement qualifiés, sans l’élévation considérable du niveau culturel et technique de la classe ouvrière et de tous les travailleurs. La grande Révolution d’Octobre a mis fin à tous les privilèges dans le domaine de l’instruction en ouvrant au peuple un large accès à toutes les acquisitions de la science, de la culture et de l’art (Garmonov 1960). Visant toutes les couches de la population, l’enseignement russe avait pour but de relancer l’économie nationale à travers la création d’une industrie socialiste.

Avec l’évolution du monde, l’existence des différents mouvements sociaux, l’université tend de plus en plus à devenir autonome pour remplir pleinement sa mission de responsabilité sociale. Elle est devenue une institution au service de l’ensemble de la société. Par conséquent, toutes les composantes de la société bénéficient de son apport au développement culturel, scientifique et économique, et il est normal qu’elles y contribuent par une fiscalité adéquate. L’entreprise, qui est l’un des principaux bénéficiaires de l’apport de l’université, doit être associée à son financement, non par une contribution directe, mais par l’intermédiaire de la fiscalité (Gill 2006).

De la période du XXe siècle à nos jours, l’université va être consciente de manière plus pratique et plus responsable de sa mission de responsabilité sociale. [147] Loin de se réduire à une élite, l’université va s’ouvrir à tout le monde, riches ou pauvres, en créant d’autres filières de formations qui sont socialement plus importante. Face à cette mission de responsabilité sociale que prennent les universités dans le monde, quel est le rôle des universités haïtiennes dans la résolution des problèmes sociaux en Haïti ? Comment les universités haïtiennes participent-elles au changement de notre société ? Dans cet article, nous questionnons la mission sociale de nos universités tout en projetant un regard sur ce nouveau rôle des universités dans le monde. Vu le grand nombre d’universités existant dans le pays actuellement, nous nous bornons à étudier les cas de l’Université d’État d’Haïti (UEH), créée en 1960, et les Universités Publiques en Régions (UPR) créées récemment, soit en 2007.

Université et société :
un coup d’œil à travers le monde


Si l’on jette un coup d’œil sur l’histoire, il est important de rappeler que la mission sociale dans son acception large en tant que contribution au développement de la société ou dans son acception étroite, en tant que services à la communauté ou de services à la collectivité, fait partie des activités des établissements d’enseignement supérieur depuis des luttes, comme le rappellent les historiens de l’éducation. Ainsi, dès le XIXe siècle, quelques universités en Amérique latine (Rodriguez-Gómez et Alcantara Santuario 2000) et aux États-Unis, un peu plus tard au Canada et au Québec, ont mis sur pied des programmes qui tendaient à corriger leur réputation d’établissement élitiste et à promouvoir la justice sociale. Bien sur la contribution des universités au développement de la société était plus souvent qu’autrement proclamée, parfois revendiquée par certains visionnaires, mais rarement pratiquée. Et quand elles étaient mises en pratique, ces initiatives étaient en général à ce point modestes et imprégnées des valeurs de ce qu’on désignerait aujourd’hui comme la pensée unique, que pas mal de réformateurs sociaux, militants syndicalistes ou autres agitateurs politiques, voire des intellectuels engagés ont plutôt choisi de créer par tous les moyens leurs propres instruments pédagogiques et leurs propres établissements d’enseignement : cours du soir, écoles sociales populaires, écoles de partis, universités ouvrières, etc. afin de contrecarrer les biais colportés par l’enseignement universitaire officiel et instaurer un espace de réflexion alternatif.

Plus tard, au cours des années soixante surtout, sous la triple pensée, d’abord du passage d’une économie industrielle à une économie de service - la tertiarisation - ensuite, de la pression démographique exercée par l’accroissement rapide de la population d’âge scolaire — le babyboom — et, enfin, dans la foulée des revendications issues de mouvements étudiants, plusieurs gouvernements à travers les Amériques vont se lancer dans la création de nouvelles universités. Bien évidemment, ce que l’on a souvent désigné à l’époque comme étant la démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur récemment crées devaient assumer de facto une mission sociale originale à un double niveau : premièrement, au niveau de la formation, en scolarisant des cohortes étudiantes dont les parents n’avaient pas, eux-mêmes, fréquenté les universités ; et deuxièmement, au niveau disciplinaire ou du contenu de ces formations, à les scolariser en misant sur le développement de nouveaux [148] programmes et de nouvelles spécialisations dans des domaines autres que ceux qui étaient privilégiés par les universités existantes, à savoir les la formation professionnelle dite libérale, comme la médecine, l’ingénierie, le droit, etc. « La Déclaration approuvée par toutes les universités catholiques, à Kinshasa en 1968, pose les principes qui témoignent de leur volonté commune de travailler au développement des peuples ou des groupes plus favorisés. » (Carrier 1972, 125)

Sans aller plus loin dans cette direction pour le moment, soulignons que, ces dernières années, nous avons assisté en Amérique latine au lancement de plusieurs initiatives très intéressantes en matière de mission sociale, comme en témoigne l’adoption de règlements universitaires qui obligent les étudiants à se consacrer à des services sociaux au Mexique et au Pérou notamment ou la création d’un Réseau national de mobilisation sociale (COEP) au Brésil, en 1993 (Brunelle 2016). En parallèle avec la notion de développement durable au sein des universités européennes et d’Amérique du Nord, c’est au début des années 2000 que la réflexion sur la responsabilité sociale des universités s’est développée en Amérique latine. Elle émergeait du terrain déjà fertile de ce que les universités appellent en Amérique latine l’extension ou la projection sociale et qui constitue de façon traditionnelle le troisième pilier de l’université latino-américaine (telle qu’elle se définit depuis la réforme de Cordoba du début du XXe siècle), à côté du pilier formation et du pilier recherche. Depuis lors, le volontariat étudiant pour des actions solidaires auprès des populations démunies, l’aide au développement local par projets qui associent professions et élevés dans une démarche de lutte contre la pauvreté incluant une part de recherche-action sont, entre autres, des points forts de la politique universitaire en Amérique latine, et certains pays, comme le Mexique et le Venezuela, ont même une législation imposant à tous les étudiants des centaines d’heures de Service Social dans le cadre de leur formation professionnelle (Valleys 2016). Dans ce même ordre d’idées, la récente Loi universitaire péruvienne dédie à la responsabilité sociale universitaire un article et la rend obligatoire (Valleys 2016). Au Chili, par exemple, « la Universidad Construye Pais » (L'université construit le pays) est un réseau d’établissements d’enseignement supérieur chiliens engagés à renforcer leur responsabilité sociale en intégrant des questions d’intérêt national à leurs programmes académiques (Furco 2016, 86).

Dans la même veine, on doit aussi mentionner les innombrables communities-based initiatives (initiatives axées sur les communautés) menées à l’instigation des universités aux États-Unis, les community engagements centres and initiatives (centres et initiatives d'engagement communautaire) au Canada, ainsi les services aux collectivités, ou aux communautés au Québec. Sans oublier les pratiques menées au titre des missions sociales ayant connu une importante extension sur les plans régional et international avec la création du Conseil latino-américain des sciences sociales (CLACSO), de la Faculté latino-américaine des sciences sociales (FLACSO), du Centre bolivien d’études multidisciplinaires (CEBEM) ou du Centre latino-américain d’apprentissage et de service solitaire (CLAYSS). Dans la foulée, il faut faire mention des initiatives toutes récentes comme l’institut pour l’Éducation Supérieure en Amérique Latine de l’UNESCO (IESALC), crée en 2012, et l’Observatoire régional de Responsabilité sociale pour [149] l’Amérique latine et la Caraïbe (ORASALC), lancée en 2012 également (Brunelle 2016).

En Europe également, la question des responsabilités sociales des Universités occupe de plus en plus une place importante. Quoique n’ayant pas eu une forte présence dans la Déclaration de Bologne de 1999, qui a créé l’espace européen de l’enseignement supérieur (EEES), la dimension sociale est devenue une question centrale dans les déclarations ultérieures, qui ont reconnu l’influence significative des établissements d’enseignement supérieur (EES) sur le développement de la société européenne ainsi que sur la définition et la transmission de valeurs sur laquelle elle est construite. À l’heure actuelle, la plupart des établissements d’enseignement supérieur européen semblent être sensibilisés, à un degré plus ou moins élevé, sur l’importance de leur dimension sociale, et beaucoup de ces établissements sont en train de développer des actions pour faire de cette dimension une priorité, non seulement en termes de politiques mais aussi dans leurs pratiques quotidiennes. En France, s’il est vrai que la communauté universitaire n’est pas toujours consciente du rôle nouveau qui est jouée par l’université sur le terrain de responsabilité sociale, la construction de ce modèle sociale, qui interagit avec son environnement, est en marche. Des pratiques nombreuses témoignent de ce mouvement de recomposition des activités universitaires. L’avènement de la loi sur les libertés et les responsabilités des universités en France s’est réalisé sur un fond de polémiques opposant les autorités étatiques et les universitaires attachés aux missions de services publics de l’institution. Pourtant le rôle majeur de l’université dans la société pour le progrès et la cohésion sociale fait consensus : démocratisation de l’accès au savoir, transmission de connaissances de haut niveau à l’ensemble de la population, production de connaissances nouvelles et communication avec la société civile. Ces thématiques ne sont pas cependant déclinées par les opposants de la loi sur les libertés et les responsabilités des universités dans le cadre de l’autonomie des universités en 2007 mais en référence à un cadre national (Annoot 2012).

Après avoir passé en revue le rôle existant entre université et société à travers le monde, il est question pour nous maintenant de questionner la mission sociale des universités haïtiennes dans une perspective de développement. Peut-on établir un lien entre université et changement social en Haïti ? Quel est le rôle de nos universités dans une société devenue de plus en plus pauvre, de plus en plus inégalitaire ? Dans les points suivants, nous allons tenter de répondre à ces questions parmi d’autres.

Université et société en Haïti :
le cas de l’Université d’État d’Haïti (UEH)


Contrairement à beaucoup d’autres pays où l’enseignement supérieur remonte à plusieurs centenaires, voire plus d’un millénaire, l’Université d’État d’Haïti (UEH) est une création dont on ne trouve les traces palpables qu’au milieu, voire la fin du XIXème siècle. S’il est vrai que la création des premiers établissements supérieurs remonte aux années 1860 avec l’Ecole de Droit, il fallait attendre l’année de 1945 pour marquer le début de l’approche du concept de [150] l’Université comme entité gérant l’enseignement supérieur (arrêté du 31 Août 1945). Le décret-loi de décembre 1944 fut abrogé par un autre décret daté du 16 décembre 1960 qui avait institué sous François Duvalier l’Université d’État d’Haïti, la finalité était le contrôle politique de l’institution universitaire après la grève des étudiants la même année. En 1983, l’université d’État d’Haïti est proclamée institution indépendante par la Constitution sans qu’aucune loi n’ait jamais précisé les relations qui existent entre elle et les autres institutions de l’État. D’ailleurs, même la loi organique de 1989 Ministère de l’Éducation Nationale de la Jeunesse et des Sports, aujourd’hui Ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle, était restée vague sur le contenu de ces relations se contentant de considérer l’UEH comme un organisme déconcentré.

La Constitution de l’année 1987, adoptée à la suite du renversement de la dictature des Duvalier a représenté une étape importante dans l’histoire de l’université puisque cette institution a été confirmée au rang d’institution autonome et indépendante, suivant l’article 208, titre VI chapitre V. Dans la foulée, de nouveaux moyens de fonctionnement ont été mis en place, notamment un mode de gestion centré sur une plus large participation de tous les acteurs avec la naissance dans les Facultés de Conseil de Direction ou de Conseil de Coordination élue par les assemblées mixtes de Professeurs et d’Étudiants au lieu de l’ancien système de Direction avec des responsables uniques, les Doyens ci-devant nommés par le gouvernement. De même, le Recteur ainsi que les deux Vice-Recteurs, respectivement aux Affaires Académiques et à la Recherche, ne sont plus nommés par le gouvernement, mais élus par un Conseil tripartite de trente-six membres, soit les trois membres du Conseil exécutif de l’UEH, onze responsables des Conseils de Direction ou Décanat de l’UEH, onze représentants d’étudiants auprès du Conseil de l’Université par leurs pairs. Qu’en est-il de la mission de l’UEH ? En tant qu’institution autonome, l’UEH a une triple mission d’enseignement, de recherche et de service à la communauté [3] :

Cela étant rappelé, essayons de questionner le rapport entre Université d’État d’Haïti et société en Haïti. Si l’histoire de l’UEH remonte aux années 1860 de manière (officieuse), les étudiants commençaient véritablement à s’impliquer dans les luttes politiques à caractère plus ou moins sociale en 1929, date marquant l’occupation américaine d’Haïti. Face à des problèmes dont toutes sortes dont étaient victimes nos masses paysannes (l’insécurité foncière, la corvée, les abus des puissants, etc.), suite notamment à la décision de Georges Freeman de diminuer désormais le nombre de bourses allouées aux étudiants de l’Ecole Centrale d’Agriculture, les étudiants rentraient en grève le ZI octobre 1929 et organisaient leurs premières manifestations pacifiques dix ans après la mort du [151] leader Charlemagne Péralte. Étant donné que Georges Freeman, directeur du Service technique d’Agriculture à Damien, ne voulait pas revenir sur sa décision, les étudiants grévistes maintiennent leurs mots d’ordre et ont été appuyés par d’autres étudiants et écoliers de l’époque. D’où la désoccupation du pays en 1934. Qu’on le veuille ou non, il faut dire que le mouvement des étudiants avait une portée sociale par le fait qu’il visait le départ des Américains qui constituait un obstacle au bien-être de nos masses paysannes. Toutefois, les paysans n’étaient pas l’objet fondamental de la lutte des étudiants de Damien. Ils réglaient avant tout leurs dossiers de bourses d’études, qui répondaient plutôt à des intérêts égoïstes (Baron 2010).

Le mouvement des étudiants va prendre un autre tournant dans la conjoncture politique de 1946. En réponse à la politique de terreur menée par le Président Elie Lescot depuis 1941 contre les masses rurales, pourchassées par les expulsions massives au profit de la Société Haïtiano-américaine de Développement Agricole (SHADA), suite à la campagne antisuperstitieuse frappant les masses rurales doublement persécutées, la misère rurale devient plus profonde et des poches de disettes s’installent. Profitant de ce contexte socioéconomique difficile, un groupe d’intellectuels (Lorimer Denis, François Duvalier, René Piquion, Emmanuel C. Paul et autres), issus de la classe moyenne, vont s’organiser pour protester contre le Président Elie Lescot. À côté de ces intellectuels, les étudiants vont aussi se mobiliser pour forcer le président à laisser le pouvoir. Les intellectuels à l’époque, accompagnés des étudiants, ont réalisé la Révolution de 1946 (Baron 2010).

Dans le mouvement qui a entraîné, en 1956, la chute du président Paul. E. Magloire, la présence et la mobilisation des étudiants et des lycéens à Port-au-Prince et dans les grandes villes du pays étaient visibles et mêmes significative. Avec la montée du dictateur François Duvalier au pouvoir le 29 septembre 1957 à la faveur des élections truquées organisées par l’Armée d’Haïti, « un certain esprit frondeur persistait dans les établissements scolaires » (Baron 2010). Une politique de terreur allait vite s’installer en Haïti avec l’accession du dictateur François Duvalier au pouvoir contre les opposants réels ou imaginaire à ce pouvoir politique. Très tôt dans le pays, les affrontements du monde universitaire avec le régime commencent. En 1960, dix-huit jeunes sont arrêtés, parmi eux des écoliers et des étudiants, prétextant qu’ils étaient des communistes. Une association d’étudiants connue sous le nom d’Union Nationale des Étudiants Haïtiens (UNEH) exigeait la libération de ces étudiants. Toutefois, le mouvement des étudiants n’avait pas duré pour longtemps. François Duvalier allait prendre des mesures de représailles et populistes pour contrecarrer ces étudiants, qui étaient trahis même par ces propres camarades. L’UNEH allait gagner la clandestinité où elle poursuivra son combat dans des situations difficiles. Parmi ces mesures de représailles et populistes, nous pouvons citer entre autres la création du corps des [152] Tontons Macoutes [4] et la décision d’augmenter l’effectif des étudiants de la faculté de Médecine de l’UEH, malgré sa capacité d’accueil très limitée (Baron 2010).

Durant la période 1986-1994, les étudiants s’étaient impliqués dans les grandes manifestations démocratiques et populaires du pays. Très tôt, à la chute de Jean-Claude Duvalier, des associations d’étudiants vont prendre naissance pour poser le problème de l’autonomie de l’UEH tout en se donnant pour tâche de débarrasser les diverses facultés et le rectorat de l’UEH des partisans de l’Ancien Régime. Ces facultés s’étaient converties en lieux de débats privilégiés relatifs aux grands dossiers nationaux, tels l’exploitation des masses travailleuses et la vente aux enchères du pays mises en place par le Conseil National de Gouvernement (CNG), créé après le départ de Jean-Claude Duvalier. Parmi ces associations, nous citons la Fédération Nationale des Étudiants Haïtiens (FENEH). Cependant, le coup d’État de 1991 allait donner un coup fatal à ce mouvement social. L’Armée d’Haïti, représentée par les généraux Raoul Cédras et Michel François, semait la terreur dans le pays, persécutait et emprisonnait des étudiants durant toute la période du coup d’État (Baron 2010).

Vers les années 2002-2004, les étudiants vont se rebondir en force sur la scène politique à la suite de la réélection de Jean-Bertrand Aristide comme président du pays en 2001 dans des élections truquées et contestées. En plus de la création des groupes armés dans tout le pays, Jean-Bertrand Aristide cherchait à avoir le contrôle de l’UEH pour asseoir son hégémonie politique. Ces étudiants vont se mobiliser pour défendre l’autonomie de l’UEH, telle qu’elle a été souhaitée par la Constitution haïtienne de 1987. En raison des persécutions des groupes armés du régime dont les étudiants étaient victimes et du comportement arrogant des membres influents du régime qui se faisait sentir, de l’augmentation de la misère sociale et économique dont sont victimes les couches populaires et les étudiants, ces derniers allaient réclamer le départ du président Jean-Bertrand Aristide. Appuyés par la Communauté internationale et une bonne partie de la bourgeoisie haïtienne, les étudiants participaient à des manifestations démocratiques tous les jours jusqu'à l’aboutissement du départ de Jean-Bertrand Aristide le 29 février 2004. Ils ont organisé un mouvement social dénommé Grenn Nan Bouda (GNB) qui a été très critiqué notamment par certaines couches populaires du pays. En fonction de ces critiques, plus d’un remet en question la portée sociale de ce mouvement. Fort de ces critiques, le mouvement GNB réunissait-il toutes les conditions requises pour parler de mouvement social ? Quels sont les impacts positifs de ce mouvement sur la société ? Faisons un peu d’analyse.

Selon le sociologue français Alain Touraine (1982), le mouvement social doit réunir les critères suivants : l’identité, l’opposition et la totalité.

D’après le premier critère, tout mouvement social doit avoir une identité. D’où la question : Qui sommes-nous ? Les acteurs du mouvement social doivent [153] pouvoir s’identifier. Est-ce qu’ils sont des étudiants ou des ouvriers ? En nous référant à ce premier critère, nous pouvons dire que le problème d’identité se posait pour ce mouvement. Les bourgeois s’emparaient de ce mouvement pour défendre leurs intérêts. Entre les étudiants et les bourgeois, nous nous demandons qui sont les acteurs du mouvement GNB. À ce sujet, Myrtha Gilbert (2009) écrit ceci :

Il est à remarquer plus qu’en 1929 et 1946, les luttes des secteurs les plus progressistes dont les étudiants (2002-2004), a été rapidement récupéré par une fraction de l’oligarchie soutenue par une couche de classe moyenne, en collusion avec les grandes puissances, empêchant une véritable avancée de la bataille du peuple haïtien, vers de véritables conquêtes sociales. Aujourd’hui encore, des nuages noirs s’amoncellent sur le monde universitaire. Des caricatures de mouvements revendicatifs tentent de semer la confusion. À quelle fin ?

Selon le deuxième, tout mouvement social doit avoir une opposition. D’où la question : Contre qui ou contre quoi nous nous battons ? Les acteurs du mouvement social doivent pouvoir identifier leur adversaire. À ce niveau, nous pouvons dire que le mouvement GNB avait une opposition : le Régime politique de Jean-Bertrand Aristide. Ils luttaient contre ce régime au point de le destituer ;

D’après le troisième, le mouvement social doit avoir une totalité. D’où la question : Pourquoi nous nous battons ? En ce sens, le mouvement social est essentiellement revendicateur parce qu’il touche les revendications d’un groupe, d’une classe sociale ou l’ensemble de la société. Se distinguant des groupes de pression, le mouvement social n’a pas pour objectif de défendre des intérêts personnels. Il s’agit d’un mouvement à caractère social, porteur d’un projet alternatif de société. Sur ce point, nous nous questionnons le sens social du mouvement GNB. Après le départ de Jean-Bertrand Aristide, la misère sociale et économique augmentait considérablement au détriment des couches populaires et des étudiants de l’UEH. Le budget alloué à cette université diminuait. Pour l’exercice fiscal 2005-2006 (environ 1 an après le départ de Jean-Bertrand Aristide), la partie du budget allouée à l’UEH est réduite de moitié par rapport à l’exercice précédent. S’il est vrai que quelques étudiants en étaient bénéficiaires, la grande majorité des étudiants de l’UEH vivaient dans des conditions difficiles. Ce mouvement GNB ne profitait qu’aux bourgeois et quelques étudiants influents, notamment celles et ceux faisant partie de la Fédération des Étudiants Universitaires Haïtiens (FEUH), une association d’étudiants très critiquée pour ses pratiques opportunistes et malhonnêtes.

Après ce survol historique relatant les différentes implications des étudiants dans les différentes luttes politiques à caractère social dans le pays, il convient pour nous de questionner vraiment le rapport entre université et responsabilité sociale en Haïti. Comment les pratiques universitaires prennent-elles en compte les besoins, les revendications des couches les plus défavorisées du pays ? Pour répéter le sociologue Guy Rocher (1990), dans son texte « Ré-définition du rôle de l’université », le sens de l’université se retrouve à travers ces trois fonctions : enseignement, recherche et services à la collectivité. Ces trois fonctions forment un système, elles sont imbriquées l’une dans l’autre. En nous référant à la dernière fonction, nous rappelons que la mission de l’UEH est entre autres « de [154] veiller à ce que les Etudiants soient soudés à la réalité nationale par leur participation effective aux projets de développement notamment au moyen de stages, services civiques étudiants, temps de résidences obligatoire dans un champ d’application conforme à l’orientation professionnelle. » (Constitution de 1987, Titre VI et Article VII) En nous focalisant sur la dernière fonction notamment, nous dirions que l’UEH a failli à cette mission de rendre service à la collectivité. À l’heure actuelle, il n’existe pas un programme de stage systématique et bien structuré au sein de cette université au profit de la société, notamment les couches les plus défavorisées. L’État haïtien accorde des bourses à des étudiants qui ne sont pas utiles à la société. Ces étudiants n’ont pas forcément de redevance envers cette société dans laquelle ils vivent. L’État ne les rend pas utiles d’ailleurs. Les programmes de services civiques étudiants n’existent presque pas. Qui plus est, une bonne partie des étudiants de l’UEH qui, dans le cadre des coopérations avec les universités étrangères, laissent le pays pour des raisons d’études, n’y reviennent pas afin de se mettre au service de la communauté haïtienne. Ces étudiants se voient plutôt comme des privilégiés qui profitent d’une occasion en or afin de construire leur vie au Canada, aux États-Unis et en France. À quoi bon retourner dans un pays qui, dans leur pensée, ne leur offre rien ? Après tout, la décision de revenir en Haïti ne serait pas rationnelle si l’on tient compte des conditions socioéconomiques et politiques dans lesquelles se trouve le pays. L’État haïtien met-il en place une politique pour permettre à ces étudiants de retourner dans le pays afin de travailler à son progrès socioéconomique ? Finalement, l’université pourquoi faire en Haïti ? Comment l’université participe-t-elle au développement du pays au profit des couches défavorisées ?

En questionnant la mission de l’université dans la société haïtienne, Moreau (2013) pense que l’Université haïtienne fonctionne dans une société sous-développée. Par conséquent, elle doit s’évertuer à fournir les moyens nécessaires à la reconstruction et au développement économique, social et culturel du pays en alignant ses programmes sur ces trois dimensions du développement : l) dimension économique ; 2) dimension sociale ; 3) dimension culturelle (Moreau 2013). L’université a un devoir moral envers la société, dans le sens que celle-ci doit favoriser le développement de celle-là, l’aider à la rendre autonome et indépendante. « L’institution universitaire se définit comme la connexion entre la société et le savoir. L’existence de l’Université signifie que la société reconnaît au savoir une nécessité et une fonction propre. » (Ségal cité par Turmel 1997, 10) Les recherches, les enseignements et les débats critiques de l’université doivent être déterminés par le bien commun, bref doivent être utiles à la société, notamment aux couches les plus défavorisées. Entre l’université et la communauté, il doit exister un rapport étroit. Comme le souligne Alain Gilles (2009,1-7), « la mise en place de cadre normatif pour une gouvernance rationnelle de l’enseignement universitaire procède de la même logique qui commande les rapports de pouvoir et les rapports sociaux. C’est donc dans une perspective de changement total qu’il faut poser, dans les pays du Sud et en Haïti, le problème de la gouvernance universitaire. » L’université a un engagement envers la communauté. À ce sujet, Furco (2016, 86) pense qu’aujourd’hui, la responsabilité sociale de l’enseignement supérieur repose sur la construction d’une université [155] plus engagée, qui envisage l’engagement communautaire non pas comme un ensemble de projets ou de programmes, mais plutôt comme une stratégie importante accomplissant des objectifs à l’échelle de l’institution. L’université, en tant qu’institution autonome doit fournir les compétences nécessaires et utiles au développement culturel, économique et social d’une société socialement juste, politiquement, économiquement et culturellement indépendante. Aujourd’hui, nous avons un État que plus d’un qualifie de popetwè [5], vu sa dépendance de l’extérieur à tous les niveaux. De l’après-indépendance à nos jours, nous avons du mal à construire un État de droit. En raison des problèmes socioéconomiques et politiques de toutes sortes qui rongent la société haïtienne, des chercheurs ne cessent pas de poser le problème de l’État haïtien en termes d’échec (Honorât 1991 ; Étienne 2007), de drame (Saint-Louis 2005), de chaos (Pierre 1997), d’appel au secours (Depestre 2004), gestion de conflits et de violence (Gilles 2008) jusqu'à ce que Wargny (2004) décide qu’ « Haïti n’existe pas ». Face à cette décadence de l’État qui se fait de plus en plus sentir, l’université est restée indifférente dans la mesure où elle est incapable de proposer un projet alternatif de société.

De plus, il convient de questionner le rapport existant entre le contenu des enseignements dispensés au sein de l’UEH et la réalité socioéconomique. S’il est vrai qu’il existe pas mal de domaines de formation à caractère social à l’UEH, nous nous demandons si les enseignements dispensés permettent de comprendre la réalité socioéconomique, politique, voire culturelle du pays. En dépit de son sens universel, le concept d’université reflète d’abord et avant tout une réalité nationale. Si, se focalisant sur le contexte de la mondialisation, le sociologue Claude Souffrant (1995) pense que l’école haïtienne doit former nos écoliers pour le marché international ; nous pensons tout le contraire. Tout comme l’école, l’université doit offrir aux jeunes haïtiens une formation de qualité leur permettant de comprendre et de questionner la réalité socioéconomique, politique et culturelle de notre société pour un changement réel au profit des masses défavorisées. À la lumière du sociologue Alain Touraine (1973), l’école et l’université doivent faire de nos jeunes de véritables acteurs sociaux capables d’agir sur la société haïtienne pour la transformer.

Par conséquent, nous devons repenser le contenu des formations de nos universités au profit de la société. En effet, en fonction du rôle stratégique joué par des agents externes dans la mise en place des programmes, dans l’orientation de la recherche ou dans la formation des futurs chercheurs du pays, la relation de dépendance se développe de plus en plus à l’intérieur de nos frontières, présentant ainsi des similarités avec le colonialisme classique (Gilles 1998). D’ailleurs, nous rappelons que l’une des missions de l’UEH est « de transmettre le savoir académique et le savoir-faire aux futurs cadres et techniciens de la société haïtienne en veillant d’une part à réhabiliter les disciplines pratiques débouchant sur des métiers ou professions réellement utiles au développement national et d’autre part à ce que le contenu et la méthode de formation soient adaptés à la solution des problèmes concrets du pays. » (Constitution de 1987 ; [156] Titre VI et Article VII). Sur papier, il existe un rapport très étroit entre l’UEH et le développement d’Haïti. Mais, de fait, peu de choses sont réalisées à ce que l’UEH puisse jouer convenablement son rôle dans le développement tant souhaité d’Haïti. Comment peut-on parvenir à ce développement quand nous minimisons la question de recherche à l’UEH ? « En considérant les budgets nationaux d’enseignement supérieur en pourcentage du budget de l’État, la part de l’UEH dépassait à peine 0,5% en 2008 alors que la moyenne mondiale était de 3,2%. » (Deshommes, 2011, 263). Dans une entrevue accordée au Nouvelliste à l’occasion du 18 mai 2004 (Fête du Drapeau et de l’Université), il avoue que « le fait est que la recherche a été toujours traitée en parent pauvre à l’UEH » (Deshommes 2011). Comment une université qui ne priorise pas la recherche peut-elle être socialement responsable ? Comment peut-elle être le garant du développement national quand nous savons que la recherche scientifique est une condition sine qua non au développement ? Les pays les plus développés au monde sont ceux qui accordent une importance capitale à la recherche.

Il n’est un secret pour personne que l’UEH est loin de remplir sa mission de développement qui lui a été confiée, en fonction des problèmes structurels et systémiques auxquels cette institution fait face. À quoi sert l’UEH dans une société devenue de plus en plus pauvre, dépendante presque totalement de l’extérieur ? Après des années d’existence de cette prestigieuse institution, le bilan en termes d’impacts positifs sur la société haïtienne est maigre.

En renfort à cette institution, les autorités étatiques, représentées par le Premier Ministre Jacques Edouard Alexis à l’époque, ont procédé en 2007 à la création des Universités Publiques en Région (UPR) dans une perspective de développement territorial. De 2007 à 2019, les UPR ont 12 ans d’existence. Quel est l’impact de ce réseau d’universités sur le développement d’Haïti ? Le prochain point traite du rapport des UPR avec la mission de responsabilité sociale en Haïti en vue du développement territorial devenu par la mode durable.

Les Universités Publiques en Région (UPR)
et la mission de service à la communauté :
un dialogue de sourds ?


Les autorités haïtiennes se sont engagées depuis 2010 dans la mise en œuvre du Plan Stratégique de Développement d’Haïti (PSDH) dont l’objectif est de faire d’Haïti un pays émergent d’ici 2030. En vue de l’atteinte de cet objectif général, elles ont établi un ensemble un ensemble de priorités assorties de financements pour réaliser à court terme une plus grande justice sociale, une plus grande valorisation de l’investissement et des ressources naturelles nationales ainsi qu’une forte création d’emplois tout en se donnant pour mission de reformer l’État, en dynamisant l’économie et en prévoyant un soutien renforcé du secteur privé.

Ce plan s’articule sur quatre axes de refondation : la refondation sociale, la refondation économique, la refondation institutionnelle et la refondation territoriale. Dans le cadre de la refondation sociale, une large place est accordée à l’éducation et au développement humain et social notamment à l’accroissement de l’accès à l’éducation fondamentale, à l’éducation secondaire, professionnelle, [157] technique et universitaire avec un regard sur la qualité de l’éducation à partir des Assises d’Avril 2014.

Quelques années avant l’annonce de ce plan, le 30 juillet 2006, Gabriel Bien-Aimé, Ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle (MENFP) du gouvernement Préval-Alexis, a publié une décision ministérielle créant les universités publiques dans les 10 départements du pays dans l’optique de décentraliser l’enseignement supérieur et de contribuer au développement territorial d’Haïti. Cette circulaire s’inscrit bel et bien dans la ligne de l’article 211- I de la Constitution de 1987, demeurée inchangée dans la Constitution de 1987 amendée, qui stipule : les universités et écoles supérieures privées et publiques dispensent un enseignement académique et pratique adapté à l’évolution et aux besoins du développement national. L’Université Publique du Sud aux Cayes (UPSAC) a ouvert ses portes en septembre de cette même année, suivie de l’Université Publique de l’Artibonite aux Go naïve s (UPAG) en janvier 2007 et de l’Université Publique du Nord au Cap-Haitien (UPNCH) en septembre 2007 (Voltaire 2016).

Après l’implémentation de ces premières institutions universitaires en région, et conformément à l’objectif d’extension et de consolidation de ce réseau prévu dans le Plan Opérationnel 2010-2015, les autorités étatiques ont appuyé la mise en place de nouvelles universités publiques en région, à l’exception du département de l’Ouest, dans lequel se trouve déjà l’Université d’État d’Haïti. D’où l’ouverture de l’Université Publique du Sud-Est à Jacmel (UPSEJ) au cours de l’exercice 2OII-2OI2, l’Université Publique du Nord-Ouest à Port-de-Paix (UPNOPP) et de l’Université Publique du Centre (UPC) en 2012-2013. Durant l’exercice 2013-2014, les Universités Publiques des Nippes (UPNIP), de la Grand-Anse (UPGA) du Nord-Est (UPNEF) ont également commencé à fonctionner.

En avril 2016, selon Voltaire (2016), le Réseau accueille environ 7900 étudiants et offre des programmes de Licence dans les domaines de l’éducation, des sciences administratives, des sciences juridiques, de l’agriculture, des sciences infirmières et du tourisme.

Après la création des universités publiques en régions, cela ne s’arrête pas là. Des perspectives de développement sont envisagées en vue de consolider ce réseau d’universités. Ainsi, dans la deuxième phase de consolidation, il est clairement dit : le Réseau UPR sera appelé, au cours de cette deuxième phase de consolidation 2016-2021, à devenir un acteur incontournable du développement des régions en se distinguant par la qualité de son enseignement, par la dimension transversale et pluridisciplinaire de sa recherche, par sa volonté de jouer un rôle moteur dans les projets et partenariats avec les acteurs politiques et socioéconomiques de son espace, et en formant des citoyens compétents dans leur domaine de formation, socialement responsables et capables d’apporter leur contribution aux grands enjeux collectifs (Fièvre 2016, 27).

Aujourd’hui, plus d’une décennie après la formation du Réseau des UPR, nous nous posons des questions sur le sens de ces UPR dans la société haïtienne. Après 15 ans d’existence, nous nous demandons si les UPR répondent à leur mission de développement territorial. Quelles sont les perspectives d’actions permettant d’améliorer et d’harmoniser le fonctionnement et les programmes de [158] formation de ce réseau afin de le rendre plus apte à poursuivre sa mission de former des professionnels compétents et intègres à même d’aider la population haïtienne à éradiquer la misère et à se développer de façon intégrale et durables ? (Voltaire 2016) Autrement dit, les UPR remplissent-elles leur mission de responsabilité sociale ?

En nous référant à la mission de développement territorial pour laquelle les UPP ont été créés, nous pourrions dire que ce réseau d’universités a échoué. De nos jours, nous sommes le pays le plus pauvre de l’hémisphère. Les secteurs clés comme l’agriculture, la santé, l’éducation sont en déclin. Si nous nous focalisons sur l’agriculture, notre production agricole est très faible. Si dans le temps (précisément vers les années 1946-1950), Haïti était un pays essentiellement agricole avec une valeur moyenne annuelle des exportations (notamment le café et le sisal) près de 40 millions de dollars (Pierre-Charles 1973) ; aujourd’hui, nous sommes le pays essentiellement importateur quand nous savons que nous sommes incapables de répondre même à nos besoins les plus élémentaires (Gustave 2017). Si l'on considère le profil socio-économique du pays dans la perspective des déterminants sociaux de la santé, Haïti figure parmi les pays les plus inégalitaires au monde et la plus grande partie de la population est pauvre. Le pays se classe 163ème sur 187 pays selon l’indice de Développement Humain et reste le plus inégalitaire de la région Amérique latine et Caraïbes (ALC). Compte tenu des seuils internationaux de pauvreté, 54% de la population vit avec moins de 1,90 dollar par jour et 71% de la population avec moins de 3,10 dollars par jour, de sorte que près de 6,3 millions d’Haïtiens ne peuvent pas subvenir à leurs besoins de base et que 2,5 millions ne peuvent même pas couvrir leurs besoins alimentaires (Ministère de la Santé Publique et de la Population/Direction de la S ante e et de la Famille (DSF/MSPP). 2018). Quel est le rôle des UPR dans l’amélioration du système éducatif, agricole et médical en Haïti au profit des grandes masses ? Les étudiants des UPR accompagnent-ils les paysans haïtiens dans leurs travaux agricoles ? Existe-t-il une politique à cet effet ?

Lors de la tenue du colloque international des Universités Publiques en Région (UPR) dans le département du Sud, du 28 au 30 juillet 2017, l’université a été au cœur des débats sur le développement territorial durable. Une équipe de recteurs, de responsables d’universités et d’experts, de professeurs et chercheurs nationaux et internationaux ont abordé sur leurs différentes facettes les notions de gouvernance des collectivités territoriales, développement territorial tout en mettant l’emphase sur la mission et l’implication de l’université qui doit agir sur des réalités mises en causes. Les responsables d’universités en Haïti sont quand même conscients du rôle de l’université dans le développement territorial durable en Haïti. Mais nous nous demandons si les UPR ont les moyens économiques nécessaires pour agir en ce sens. Comment des universités matériellement pauvres peuvent-elles être responsables du développement territorial durable dans le pays ? Si tel était le cas, ce serait intéressant pour les masses défavorisées en Haïti. En effet, le développement territorial devenu par la mode durable sous-entend un développement prenant en compte les facteurs suivants : l’environnement, l’économique, le social et le culturel. On ne saurait parler de développement territorial et ou durable sans un mariage de raison entre [159] ces quatre éléments que nous venons de citer. De plus, le développement territorial durable, par sa philosophie, touche davantage les gens les plus pauvres dans une société. Les UPR s’impliquent-elles dans les luttes contre la dégradation de l’environnement physique, la misère, le chômage et la prostitution des jeunes ? Existe-t-il dans les UPR un fond disponible pour s’attaquer aux grands problèmes sociaux du pays ? Quel regard critique projettent-elles (les UPR) sur certaines décisions étatiques au détriment des gens les plus pauvres de la société ?

Loin d’être considérés comme des princes, les étudiants des UPR devraient avoir une responsabilité sociale envers les couches les plus défavorisées de la société. Ils doivent s’organiser pour la défense de leurs intérêts dans une perspective de développement territorial ou durable. Ségal (1997) a bien montré que, dans la multiplicité des rapports complexes existant entre l’université et la société, il importe donc de dégager clairement la mission sociale spécifique de l’université qui est de développer et de diffuser le savoir critique. Cette mission implique de la part des universitaires une conscience élevée de leur responsabilité sociale envers toutes les composantes de la société. Par ailleurs, l’exercice de cette mission impose aux pouvoirs sociaux le respect effectif et rigoureux de la liberté universitaire, celle des activités comme celle des professeurs. L’université, comme institution autonome, doit penser et repenser la société en y éradiquant la misère, la pauvreté, le chômage, etc. Pour ce faire, le contenu des formations dispensées, la pratique éducative même doivent se soucier des problèmes sociaux dans lesquels ils s’opèrent. Ce qui va permettre à l’université de remettre en question les structures sociales, économiques et politiques existantes pour en créer d’autres au profit des couches les plus défavorisées au sein de la société. Comme le pense Alain Gilles (1998), il nous faut un mouvement scientifique en Haïti ; lequel mouvement devrait contribuer à la formation d’une culture scientifique par l’organisation de façon coordonnée et systématique de conférences, de colloques, par la diffusion des initiatives scientifiques, par un regard critique sur la dialectique des sciences à tous les niveaux de l’enseignement, changeant ainsi graduellement notre façon d’entrer en rapport avec l’environnement, qu’il soit naturel, social et humain.

En dépit de la passivité des UPR dans les prises de position face aux grands problèmes sociaux et économiques qui rongent la société haïtienne, force est de constater que certains étudiants de l’UPAG veulent s’engager socialement en faisant obstacles aux décisions étatiques prises au détriment des couches les plus faibles de la population. Parmi les décisions, nous pouvons citer la montée du carburant en Haïti en juillet 2018. En raison de la piteuse situation socioéconomique et politique difficile à laquelle fait face le pays, ces étudiants ont formé une association dénommée Asosyasyonlnivèsitè (z) Revolisyonè (ASYRE), dont le but est entre autres de poser les problèmes sociaux. Ce qui est étonnant et même bizarre c’est qu’au sein même de l’espace universitaire, ces étudiants sont très mal vus par d’autres camarades étudiants prétextant qu’ils sont des fauteurs de troubles, voire des bandits empêchant le bon fonctionnement de l’université. On dirait que l’université se réduit à la dispensation des cours sans se soucier du bien-être de la collectivité. Ils oublient que « le sens de l’université se trouve dans [160] les trois fonctions traditionnelles : enseignement, recherche, service à la collectivité. » (Rocher 1990, 7 [6]) Par sa fonction de service à la collectivité, « l’université n’est plus seulement une institution rendant certains services publics ; son destin même tend à se confondre avec celui de la société. » (Carrier 1972) Et, quand l’université ne prend pas son destin en main, la société va très mal. C’est ce qui nous arrive aujourd’hui. Nous avons un problème de société résultant entre autres d’un problème d’université. Au lieu de s’engager dans des luttes sociales pour changer la société, des étudiants préfèrent se comporter comme des princes autodominés pour reprendre l’expression du sociologue Jean Anil Louis-Juste 2003). Pourtant, « l’universitaire, dans le contexte haïtien, se voit obligé de participer au dépistage des causes sociales et psychologiques de la souffrance. Il est appelé à participer à toutes les luttes contre les souffrances qui peuvent être éliminées et vaincues grâce à un changement de régime social et au développement du savoir scientifique. » (Toussaint 2015) Avec regret, un bon nombre de nos universitaires tendent plutôt à conforter l’ordre social et les modèles dominants de pensée, avec l’illusion que c’est parmi eux que se recrute la quasi-totalité des élites politiques, économiques et administratives dans tous les pays du monde. Leur position n’est pas différente de celle de pas mal d’universitaires dans le monde. Gilles Bibeau (2010, 14) à ce sujet nous dit :

Les intellectuels universitaires ne se bornent pas, il faut le dire, à simplement mettre leurs idées au service de du maintien de l’ordre social. Leur savoir et leur position sociale les placent, cela est vrai, du cotée des privilégiés (des postes garantis mur à mur) mais ils ne sont qu’une fraction relativement dominée au sein de la classe dominante qui s’est construite sur l’économie, le marché et le savoir, classe située proche du sommet de la société à laquelle ils appartiennent. Les universitaires collaborent volontiers avec les dominants les plus riches et sont même souvent complaisants à leur égard, sans doute parce que ces States dominantes et riches de la société, le plus souvent des industriels, leur donnent l’impression de les faire participer à leur pouvoir.

Un bon nombre d’intellectuels universitaires se comportent comme des ingénieurs sociaux (Bourdieu 2002), des experts au service de l’ordre social dominant. Au lieu de se positionner de façon très critique par rapport à cet ordre social, considéré comme un empire de la honte pour reprendre Jean Ziegler (2005), ils se contentent plutôt de légitimer cet ordre social au profit de leurs intérêts mesquins. Seule une université socialement responsable peut changer les choses au profit des masses défavorisées dans le monde.

Conclusion :
Pour une université socialement
responsable en Haïti


Dans le contexte haïtien, l’universitaire citoyen doit être d’abord et avant tout un citoyen national soucieux des problèmes socioéconomiques auxquels est confrontée Haïti. L’universitaire citoyen haïtien doit cultiver l’amour de la patrie, l’amour de ses prochains, l’amour de ses ancêtres et de ces patrimoines pour le vivre-ensemble. Il doit être capable de contribuer à construire un État de Droit [161] qui vise avant tout les intérêts des couches populaires d’Haïti. Pour ce faire, le contenu des formations offert à l’universitaire citoyen haïtien doit refléter les réalités socioéconomiques et politiques du pays.

Issus de milieux défavorisées pour la plupart, les universitaires citoyens haïtiens doivent être formés pour avoir une conscience de classe (celle des dominés), sentir l’obligation de changer ou d’améliorer les conditions socioéconomiques de ces dominés. S’il nous faut une science haïtienne, elle doit nous permettre avant tout de nous soucier du sort des vaincus, des marginaux au sein de la société haïtienne pour une meilleure intégration sociale, une solide cohésion sociale.

L’universitaire citoyen haïtien doit être sensibilisé à la notion de développement durable, qui va lui montrer la nécessité de protéger l’environnement naturel, de réfléchir sur les problèmes écologiques qui rongent la société haïtienne. En effet, trop souvent, on se contente de poser les problèmes sociaux sans se préoccuper des problèmes écologiques qui, un bon matin, peuvent causer d’importants dégâts en termes de pertes en vies humaines et matérielles. Des cours comme l’éducation à l’environnement doivent être dispensés dans tous les domaines de formation en Haïti. Un sociologue, un psychologue, voire un éducateur ne doit pas être indifférent des problèmes environnementaux auxquels fait face le pays. L’universitaire citoyen haïtien doit avoir une formation interdisciplinaire lui permettant de poser non seulement les problèmes sociaux, mais aussi les problèmes écologiques du pays.

L’universitaire citoyen haïtien est un garant de protection de nos patrimoines, matériels ou immatériels. En tant que tel(le), il ou elle doit recevoir une solide formation pour bien se renseigner sur la notion de patrimoine en vue de la sauvegarde, valorisation et de la mise en valeur de nos patrimoines. Pour ce faire, il faut une éducation au patrimoine en Haïti de la préscolaire à l’université. Cette éducation au patrimoine va développer ou développer davantage le sentiment de patriotisme chez l’Haïtien afin qu’il soit plus soudé aux valeurs nationales dans une perspective de changement social. En support avec cette éducation au patrimoine, des cours de géographie physique doivent être dispensés dans nos universités pour que l’universitaire citoyen connaisse bien son pays. Comment peut-on aimer son pays, travailler à son progrès socioéconomique et politique sans une bonne connaissance de ce pays, qui est à la fois riche en culture matérielle et immatérielle ?

Enfin, dans la perspective de la création d’une université socialement responsable, l’État doit prioriser toutes les professions, tous les domaines de formations universitaires. Un médecin comme un éducateur peut être utile au même titre à son pays dans la mesure où on les rend utiles. Une bonne partie du budget de l’État haïtien doit être alloué au volet social et écologique de nos universités au profit des couches les plus défavorisées de la société pour un véritable changement social. Une université socialement responsable en Haïti est un défi que nous nous efforçons à relever pour le vivre-ensemble. Ce que nous pouvons appeler le mal haïtien n’est pas une fatalité. C’est à nous de le déconstruire pour une autre société.


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[1] Université d'État d'Haïti (UEH) ; Université Publique de l'Artibonite aux Gonaïves (UPAG) ; Centre d’Études sur le Patrimoine et le Tourisme en Haïti (CEPAT-H) ; Centre d'Études sur les Lettres, les Arts et les Traditions (CELAT) ; Laboratoire Langage Discours Représentation (LADIREP)

[2] Traduit de l’anglais par l’éditeur.

[3] Voir Constitution de 1987 (Titre VI et Article VII) Citée par Fritz Deshommes (2011) ; voir aussi l’article Historique et Mission de l’UEH —Université d’État d’Haïti. — URL.

[4] Note de l’éditeur : Les Tontons Macoutes ou simplement les Macoutes constituait une milice créée en 1959 par le dictateur François "Papa Doc" Duvalier. En 1970, elle a été rebaptisée Volontaires de la Sécurité Nationale (VSN).

[5] Note de l’éditeur : Figure de tissu contrôlée par une personne cachée ou visible, marionnette.

[6] Note de l’éditeur : Pagination de la version en ligne.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 14 octobre 2023 18:56
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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