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Collection « Les sciences sociales contemporaines »
Une édition électronique réalisée à partir du texte de Maurice Lagueux, “Le marxisme est-il encore pertinent aujourd'hui ?” Un article publié dans la revue Recherches sociographiques, vol. XLV, no 2, mai-août 2004, pp. 289-305. Québec: Les Presses de l'Université Laval. [Autorisation accordée par l'auteur le 23 novembre 2006.] Introduction
Sans doute se demandera-t-on en quoi il peut être pertinent, au moment où il s'agit de s'interroger à propos des développements inquiétants du capitalisme néolibéral, de s'intéresser au marxisme, un courant de pensée qui, s'il a profondément marqué le milieu du XXe siècle, a désormais cessé d'exercer une influence politique significative dans la plupart des pays de la planète et de constituer, même pour les esprits les plus contestataires de notre époque, la référence fondamentale qu'il a jadis été [1]. Ces derniers, en effet, semblent plutôt rarement enclins à chercher leur inspiration dans les écrits de Marx quand ils s'en prennent au néolibéralisme qui, en ce début du XXIe siècle, paraît triompher et s'imposer partout. Et pour qui s'intéresse plus particulièrement à la situation propre au Québec, force est de reconnaître que le marxisme y a laissé bien peu de traces visibles de l'impact qu'il a pu y exercer. Nombreux sont ceux qui qualifieront même d'épiphénomène tout à fait superficiel l'engouement pour la pensée de Marx qui, l'espace d'à peine une décennie, s'est emparé d'une myriade de jeunes militants fraîchement convertis, lesquels, pour la plupart, devaient, au bout de quelques années, jeter à la poubelle leur petit livre rouge ou leur béret « à la Che » pour revendiquer au plus tôt la place enviable que leur promettait leur appartenance à la génération des baby-boomers. Pourtant, on aurait bien tort de réduire à une sorte de rêve surréaliste un projet qui, pendant plusieurs années, a mobilisé à plein temps, ou presque, des centaines de jeunes et de moins jeunes, a fait trembler nombre de ceux qui détenaient l'autorité dans le monde académique, ecclésial, financier et même politique, a paralysé en maintes occasions de nombreuses institutions et a suscité de multiples commentaires et des enquêtes fort élaborées dans la plupart des médias du Québec. Bien qu'il soit périlleux de fixer des dates en vue d'encadrer un phénomène de ce genre, on peut voir dans la fondation de la revue Parti pris en 1963 le début de l'affirmation publique au Québec d'un mouvement qui allait se développer comme une traînée de poudre ou comme une épidémie - selon la métaphore qu'on jugera la plus appropriée en la circonstance - dans les milieux académiques et syndicaux. Dans la foulée de ce mouvement, même les intellectuels les moins engagés sentaient le besoin de « flirter » avec le marxisme, ne serait-ce que pour ne pas paraître dépassés aux yeux de leurs contemporains. Ceux, dont je suis, qui, au nom de convictions philosophiques, politiques, sociologiques, religieuses ou autres, refusaient de s'associer à ce mouvement pouvaient difficilement ne pas éprouver cette sorte de mauvaise conscience -je puis en témoigner personnellement - que provoque l'impression gênante de passer à côté de l'Histoire. Et pourtant le puissant attrait qu'exerçait la pensée de Marx au début des années 1970 a commencé à s'affadir dès la fin de cette décennie sans avoir pu laisser sa marque dans l'orientation politique effective du Québec, de sorte qu'avant même la chute des régimes communistes à la fin des années 1980, il n'était plus, au Québec, qu'un souvenir de moins en moins vivace. Comme on peut néanmoins se demander si ce mouvement ne connaît pas une certaine résurgence depuis quelques années à la faveur des nombreuses levées de boucliers contre la mondialisation et contre les politiques néolibérales, il paraît pertinent de s'interroger sur ce qu'il fut vraiment et sur ce qui explique son étonnante évolution. je m'efforcerai de le faire, tout en tentant de répondre à la question de savoir si l'on doit s'attendre à ce que ce marxisme moribond renaisse de ses cendres en raison de l'effervescence nouvelle que connaît présentement la critique du capitalisme contemporain et de son orientation néolibérale. D'un côté, on peut être enclin à répondre par l'affirmative à cette dernière question, en alléguant que le marxisme, même aujourd'hui, constitue un riche arsenal d'arguments dirigés contre le capitalisme libéral, arsenal dont les pièces sont dues tant à l'analyse scientifique que Marx a lui-même consacrée au capitalisme qu'aux contributions de ses innombrables disciples qui, depuis plus de cent ans, n'ont cessé de raffiner les objections qu'ils opposent à leurs adversaires libéraux. D'un autre côté, on peut penser que la réponse à la même question devrait d'emblée être négative, car une critique du capitalisme vaut ce que vaut la solution de remplacement proposée pour résoudre le problème posé par la mise en place d'une société à la fois juste et efficace ; or, sur ce terrain, le moins que l'on puisse dire, c'est que le marxisme ne peut faire mieux que le libéralisme, comme en font foi ses échecs lamentables - que ces échecs aient été consacrés par l'abandon ou par la trahison du projet marxien - dans tous les pays où l'on a essayé de l'appliquer. [1] Une version abrégée de ce texte a été présentée sous le même titre, le 2 novembre 2001 au séminaire Fernand-Dumont consacré au thème « L'anti-libéralisme au Québec au XXe siècle ». Une autre version abrégée a été publiée sous le titre « Que reste-t-il du marxisme d'antan ? » dans Le Devoir des 17-18 novembre 2001. L'auteur remercie Francis Dupuy-Déry, son commentateur à ce séminaire, ainsi que Gilles Bibeau, Denys Delâge, Gilles Gagné, Daniel Jacques, Stéphane Kelly, Daniel Mercure, Jean-Marc Motte, Marc Saint-Laurent, Jean-Jacques Simard ainsi que les deux lecteurs anonymes de Recherches sociographiques de leurs remarques ou de leurs suggestions. Il remercie également le CRSH de son aide financière.
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